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Cercle de lecture: La vie devant soi

 

Ce roman constitue une exception et une mystification dans l’histoire du prix Goncourt,au huitième tour de scrutin (six voix) contre Un policeman de Didier Decoin (trois voix) et Villa triste de Patrick Modiano (une voix) —, puisque Romain Gary l’avait déjà reçu auparavant en 1956 pour Les Racines du ciel et que le prix ne peut être décerné deux fois au même auteur. Cependant, ce roman fut publié par Gary sous un nom d’emprunt, Émile Ajar, et avec une personne complice jouant le rôle de l’auteur pour les médias, Paul Pavlovitch, un parent de Gary. L’affaire fut révélée seulement à la mort de Romain Gary en 1980, bien que des doutes sur l’identité réelle de l’auteur aient été émis précédemment et des doutes sur la double identité d’Ajar dès sa parution1.

Romain Gary prit ce pseudonyme à un moment où il était très critiqué, et pour retrouver une certaine liberté d’expression. Un critique de Lire n’hésita pas à critiquer vigoureusement l’œuvre de Gary, pour finir de l’achever en déclarant : « Ajar, c’est quand même un autre talent. »

Par crainte que l’affaire ne donne lieu à des poursuites en justice, Romain Gary décida toutefois de refuser le prix Goncourt, ce qui lui valut des critiques acerbes de la part de plusieurs critiques littéraires (au Figaro et à L’Aurore notamment). Le prix lui est malgré tout remis, car il est attribué à un livre plutôt qu’à un écrivain.

Madame Rosa, une vieille femme juive, qui a connu Auschwitz et qui, autrefois, se défendait avec son cul (selon le terme utilisé par Momo pour signifier prostitution) rue Blondel à Paris, a ouvert « une pension sans famille pour les gosses qui sont nés de travers », autrement dit une pension clandestine où les dames qui se défendent avec leur cul laissent leurs rejetons pendant quelques mois pour les protéger (de l’Assistance publique ou des représailles des « proxinètes »). Momo, jeune musulman timide d’une quatorzaine d’années auquel elle a fait croire qu’il n’en a que dix, raconte sa vie chez madame Rosa et son amour pour la seule « mère » qui lui reste, cette ancienne prostituée, proche de la mort, devenue grosse et laide et qu’il aime de tout son cœur. Le jeune homme accompagnera la vieille femme, cette mère courageuse et orgueilleuse, jusqu’à la fin de sa vie.

Ce roman a été adapté au cinéma par Moshé Mizrahi en 1977 avec Simone Signoret dans le rôle de Madame Rosa. Signoret obtint, pour ce film, le César de la meilleure actrice en 1978 et le long métrage fut récompensé la même année par l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood.cercle de lecture

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